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DMITRIENKO Pierre
(1925-1974)
"Une écriture visible, débarrassée de la narration, affranchie du temps et de l’espace. "
Pierre DMITRIENKO - Biographie détaillée

Pierre Dmitrienko, né le 20 avril 1925 d'une mère grecque, et d'un père russe ayant fui la guerre civile, sera élevé dans leur culture tout en s'inscrivant dans le paysage français. Sa Russie, Dmitrienko l'explore à travers la littérature, se créant ainsi un pays mythifié. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, il étudie l'architecture à l'École des Beaux-Arts de Paris (1944-1946). Dès 1944 il commence à peindre dans l'atelier de Konrad Kickert, un peintre et critique d'art hollandais au contact duquel il se débarrasse de la tentation du figuratif ; il lui doit sans doute d'utiles leçons de techniques, l'amour du beau métier et son attachement à Piet Mondrian ainsi qu'une bonne connaissance des courants de l'art contemporain. Renonçant assez vite à l'architecture, il décide de continuer la peinture. Au début, Dmitrienko ne cache pas son admiration pour certains de ses aînés -Delacroix, Géricault et Goya- mais aussi Serge Poliakoff, André Lanskoy ou Nicolas de Staël et les icônes des églises orthodoxes. En même temps, il est sensible au travail de François Albert Gleizes qui lui montre la voie du cubisme et de Paul Klee.

Dans la France des années 1950, la peinture est à l'abstraction. Pierre Dmitrienko s'insère dans la Nouvelle École de Paris, soutenue par deux historiens de l’art : Bernard Dorival et Pierre Francastel. En 1948, il fait partie du groupe « Mains Éblouies Â» qui réunit de jeunes artistes abstraits et expose à la galerie Maeght. Au sein du groupe, Dmitrienko apporte quelque chose de personnel, un sens du sacré venu de loin: de la religion orthodoxe, peut-être. Pierre Dmitrienko refuse une figuration explicite du quotidien tout en en rendant compte, travaille une gestualité et une matière expressives, il utilise de manière récurrente la couleur noire. Les Usines, Mines de bauxite, Gennevilliers en sont des témoignages. Bénéficiant d'un certain succès, présent dans les revues importantes, l'artiste enchaîne les expositions. En 1950 à la Galerie de la Paix de Lausanne, il participe la même année au Salon de Mai. En 1953 il fait, chez Lucien Durand, sa première exposition personnelle parisienne. Puis la galerie de Jacques Massol prendra le relais jusqu’en 1960.

Dmitrienko voyage. Les « coloris Â» des pays, des paysages imprègnent son œuvre. Les couleurs prennent le pas sur un réel qu’il déstructure. Apparaissent les séries des Forêts, les Carrières, les Givres puis les Espagne(s).

Le peintre est conscient de vivre dans un monde tragique. Lorsqu’en 1954 et en 1956 il peint Golgotha puis Gethsémani, il inscrit sa mystique personnelle. Le Camp de la mort en 1956, montre son besoin de témoigner de la condition humaine. La barricade, Grande banlieue, La ville sont des œuvres qui historicisent et politisent le motif du paysage.

En 1960, Dmitrienko achète un château près de Beauvais dans l’Oise. Il y installe son atelier. Le paysage autour montre des plaines désolées. Il les peint dans la série des Pluies et des Tornades de 1960. Suivront les Pluies grises et les Fantômes de la pluie où, telles des apparitions, des silhouettes humaines se détacheront des éléments naturels, pour la première fois. 1960 est une année déterminante. Sa technique picturale change. Auparavant il peignait avec des glacis successifs ce qui donnait à son œuvre un aspect brillant et lumineux. Dorénavant il travaillera en jus léger, ou en épaisseur au couteau sur une toile absorbante. La matité des tableaux obtenus par cette technique est déterminante pour la suite de son œuvre. L’émergence de l’homme comme sujet de l’œuvre se fait aussi dans le changement radical de sa manière de peindre.

Le peintre quitte le paysagisme abstrait lyrique - pour entrer dans celui plus subtil des "surfaces d’expectative", où au sein d’un vaste bain de peinture noir, gris et blanc, apparaît dans le réseau dense de signes parallèles verticaux noirs, un second réseau, à l’horizontale de la toile. De fait : "Ce que je cherche, c'est l'aura, confie-t-il en 1962, rien de plus, rien de moins, je l'ai cherché dans les éléments naturels, la terre, l'eau, le feu, la pluie - la Sorcière de la pluie est la fin d'un cycle et le début d'un autre - je cherche maintenant la "présence" humaine - l'"aura" - le visage ne m'intéresse pas". Les Présences sont des formes d’abord rectangulaires puis plutôt ovales qui se manifestent entre la surface de la toile et celle de la peinture : des trouées qui sont aussi des espaces où les pâtes ont fui et où ne reste qu’une matière fine, transparente, riche de ce qu’elle ne recouvre plus mais dévoile et dissocie. Pluie présence et Présence rouge en sont des exemples. Des Présences vont surgir les Blocdoms qui ancrent les volumes immatériels des premières sur la surface du tableau. L’homme et son corps font leur apparition, massifs, cernés de noir emplissant alors la quasi totalité de la surface picturale, conjuguant le poids de l’empilement de leurs membres à la légèreté grise et colorée, très travaillée de la matière picturale. Aucun critique ne comprit alors que le peintre, en divorçant de l’Ecole de Paris, en installant progressivement des Présences humaines, s’essayait à un nouveau dialogue : celui de l’abstraction et de l’histoire. Il n’exposera plus à Paris jusqu’en 1973. En revanche des galeries, instituts et musées de Milan, Lucerne, Lima, Madrid, Bruxelles ou Ibiza accrochent ces toiles et les vendent.

S'il n'a jamais été officiellement politisé, Dmitrienko se veut un citoyen-témoin. Écritures, signes forts et graphismes vont se manifester dès 1965, sur de grandes toiles. La relation continue que le peintre entretient avec l'histoire est celle d'un monde où l'on torture, bâillonne, assassine et fusille. L'opposition noir/rouge/blanc ordonne désormais ses toiles.

Pressentant une grave escalade des tensions au Moyen-Orient qui mèneront à la guerre du Kippour, le peintre produit en 1972, le grand polyptyque des Ensablés. Ce sera son dernier tableau d'histoire, une œuvre "bascule" qui ouvre le temps des Blasons et des Icônes, l'abandon de l'homme et "l'acceptation de l'or" qui aurait fait sortir l'homme de son tombeau et l'aurait fait cheminer vers la lumière. L'utilisation de l'or à partir de 1972 correspond au moment où le peintre décide d'abandonner toute narration, toute référence à l'humain pour en faire surgir l'être. Il choisit alors de tracer non plus l'homme mais ses armoiries emblématiques : les écus de peinture que sont les Blason datent tous de 1972. Il peint Momie en 1973, qui sera sa dernière toile. Il meurt le 15 avril 1974, à l'âge de quarante-neuf ans.

Gravures

Pierre Dmitrienko, dont le dessin se développait en peinture, va, à partir de 1948, étudier l’approche graphique du trait, en gravure. En 1959, il achète la presse à gravures de Jean de Brunhoff et l’installe dans son atelier de Nivillers. En sortiront les aquatintes de 1960-1961 : Pluies ; Les folles lunes ; Paysage Japon. Puis les burins : Les prisons de 1961. Nivillers vendu, le peintre ne réutilisera sa presse qu’à partir de 1964, dans l’atelier de la Place de la Bastille où il commence plusieurs séries de burins et d’aquatintes : Hommage à Beckett, Le jeune homme, Présences, Les aveugles. Il réalise également ses premières lithographies à l’atelier Pons : Présence rouge, 1964. Puis gravures et lithographies seront éditées chez Maeght - avec la technique du carborundum - , Lacourière, où Christian Fossier le familiarise avec l’aérographe, chez London Arts Grahics, Adrien Maeght, Peter Bramsen, Pierre Badet et aux Editions du Damier. Il édite aussi lui-même.


(extraits du site wikipedia)